Michel Macréau
Michel Macréau
C’est l’un des précurseurs de l’art brut, de la figuration libre dans la veine de Basquiat, de Combas qu’il a précédés et influencés. Un peintre qui a connu un temps le succès dans les années 60 puis est vite tombé dans l’oubli. Un artiste au destin tragique, mort dans la misère.
Michel Macréau a peint au pinceau, à la paille, sur différents supports : toile, contreplaqué, bois, meubles, papier journal, draps, sacs postaux, agglo, et murs de la ville bien avant les tendances du tag et des graffitis.
Proche de certaines préoccupations CoBrA, précurseur du graffiti urbain, le travail de Michel Macréau inscrit la peinture dans le champ de l’écriture et du dessin, s’affirme par la complexité d’une figuration apparemment malhabile, par la qualité picturale des lignes sobres jouant avec l’espace du tableau. Il dessine le corps et les visages.
Le corps humain dénudé, sans peau, dont il dresse une cartographie métaphorique, où les organes et les orifices sont exagérément indiqués, parfois jusqu’au malaise. Les symboles sont rudimentaires mais efficaces. Il s’inscrit dès lors dans la franche lignée des peintures-écritures, où le dessin est roi. Une peinture graphique quelque fois brutale, fondamentalement tendre, sous-tendue par une angoisse presque palpable trouvant son origine dans des mythologies personnelles les plus obsédantes. L’œuvre de Michel Macréau est imprégnée de douleur et d’étrangeté. La trentaine de portraits réunis font preuve d’un mal-être voisinant avec la folie. Des visages composites aux yeux asymétriques, chargés de symboles tribaux et de croix abordant les thèmes de l’enfance et de la religion.
Michel Macréau a connu le succès durant 10 années, seulement, lui qui a toujours refusé toute compromission dans on art, s’est vite vu éclipsé par des peintres comme Basquiat.
Il va produire une œuvre riche de plus de 2 400 peintures ou dessins, transposition primitive et généreuse de son « Plan de paix », rédigé en quatre manifestes sincères et utopistes. Celui que l’on classe volontiers dans l’art brut est certes original, mais à la façon du mysticisme catalan médiéval. Ses illuminations, art d’instinct et d’invention, peignent et dépeignent sans relâche sa société universelle où se côtoient rois et reines, papes, missionnaires et apôtres, hommes politiques, travailleurs et patrons, à travers des harmonies dynamiques de couleurs qui se révèlent dans leur tonalité affective.
Michel Macréau est né le 21 juillet 1935 à Paris. Fils unique, élevé par une mère représentante en fourrures et un père routier toujours absent, Michel Macréau est placé de famille en famille et connaît une enfance instable. Son adolescence apparaît ensuite comme une longue dérive. Un jour, dans une libraire, il tombe en arrêt devant deux livres d’art, l’un sur Matisse l’autre sur Picasso. Ne pouvant en acheter qu’un seul, il choisit Matisse et, de facto, décide de devenir peintre.
En 1953, il s’inscrit au lycée de Sèvres, dans la section artistique et collabore à la réalisation de cartons de tapisseries de Le Corbusier sous la direction de Pierre Baudouin. Puis il fréquente l’Académie de la Grande Chaumière et un cours chez un fresquiste, Lesbounit à Montparnasse. Il se marie avec le sculpteur Claudie Pessey, avec laquelle il aura trois enfants, Violaine, Ludovic et Alice.
En 1959, Macréau s’installe avec des amis du cours de Lesbounit, en squatteur, dans le château abandonné de La Barrerie, à Villiers-le-Bacles, dans la vallée de Chevreuse. Il y fera sa première exposition de groupe dans le jardin.
Il rencontre Raymond Cordier et Cérès Franco en 1960. Celui-ci le présentera à la Biennale d’Art de Sao Paolo en 1963.
1962 est l’année du succès pour sa première exposition personnelle à la Galerie Raymond Cordier. Georges Pompidou lui achète deux toiles qui seront ensuite installées au fort de Briançon lors de sa présidence.
En 1964, le couple Macréau emménage près de Bourges dans une maison isolée, précaire et vétuste. L’artiste se consacre pleinement à la peinture, ses expositions se multiplient et rencontrent du succès, en France et à l’étranger (Paris, Rio de Janeiro, Espagne, Hollande…). Son talent séduit de nombreux collectionneurs.
De 1972 à 1979, Macréau a des doutes sur sa démarche artistique et produit peu. L’artiste est en pleine dépression.
Il se retrouve seul en 1975 et se réfugie à l’hôpital pour de longs séjours qui se renouvellent jusqu’en 1981.
Vers 1979, Macréau reprend progressivement goût à la vie et à la création.
Retour dans sa maison du Berry en 1983 et joie de retrouver la campagne qui enrichira son langage pictural et contribuera à son épanouissement. Début d’une nouvelle période euphorique, retour du succès, Macréau va créer beaucoup et réalisera des nombreuses expositions personnelles et collectives, jusqu’à sa mort, en 1995, à l’âge de soixante ans.
« …Des squelettes effrayés, des mères omnipotentes et des anges sanguinolents sous des croix rouges intrigantes, le tout dans une effusion, à la peinture ou au crayon, de seins, d’os et de cordons… Voilà Michel Macréau l’« hors cadre »…
…Il suffit de jeter un coup d’œil sur ses toiles pour le vérifier : on y retrouve les femmes « picassiennes » désarticulées et leurs clins d’œil nargueurs. On y voit des mères qui enfantent dans la douleur et des couples rattachés seulement par le bas du corps, ce qui, peut-être, explique les amantes qui pleurent comme des boîtes à musique déglinguées… Les corps de Macréau sont sans peau, personnages de Dickens fragmentés, prolongement direct du monde sensible qui, naviguent (volent ou plutôt tombent) sans cesse entre l’enfer juste sous nos pieds (cf C’est loin d’ici, 1963) et un paradis à peine plus réjouissant aux vierges tentaculaires, aux anges blessés et aux Marie-Madeleine déshumanisées.
Michel Macréau, était important dans les années 90, Basquiat l’avait présenté à la galerie Prazan Fitoussi à l’occasion de la manifestation « Vingt ans après ». Aujourd’hui, le créateur est presque oublié, la belle exposition qui lui est consacrée à la Halle Saint Pierre ne dérange pas les foules. Et pourtant, avec ses têtes naïves errants des cimetières grinçants, sa spontanéité et sa façon de nous montrer, par l’écriture automatique, la peinture en train de se faire, Michel Macréau est effectivement un des précurseurs de la Figuration Libre (en plus d’être, et c’est lié, celui du graffiti)…
Comme si, se foutant une dernière fois des cases et des institutions, préférant le cimetière des anges déchus et la pastille « Art brut » aux étoiles de ses frères et aux signatures de Ben sur les agendas des élèves, le vagabond s’est retiré du cadre à pas feutrés après avoir pris soin d’infuser ses idées.
Michel Macréau
Michel Macreau is a pioneer of raw art and of the free figuration popularized by Basquiat and Combas, whom he preceded and influenced. After enjoying brief success in the 60s, he was quickly forgotten, met a tragic destiny, and died poor.
Michel Macreau painted with paintbrush and straw on various mediums, canvases, plywood, wood, furniture, newspaper, sheets, post bags, chipboard, and even city walls way before graffiti was in fashion.
Close to CoBrA in some regards and pioneer of urban graffiti, Michel Macreau’s work reconciles painting with writing and drawing. It is characterized by a seemingly clumsy yet complex figuration, unsophisticated yet finely-executed drawings that play with the canvas space, and a strong focus on portrait and the human body.
In his work, Michel Macreau draws a metaphorical map of the human figure, one in which organs and orifices are exaggerated, sometimes uncomfortably so. His symbols are elementary but straightforward, following right in the footstep of writing-paintings, with an emphasis on drawing. Underlined by almost palpable angst, his narrative painting, sometimes raw, always deeply touching, originates in the artist’s most obsessive personal mythology. It screams pain and inadequacy. The thirty or so portraits gathered for this exhibition express a feeling of malaise on the verge of madness. Mixed faces with asymmetric eyes, charged with tribal symbols and crosses that evoke childhood and religion.
After enjoying ten years of recognition, he who always refused to compromise his art was quickly overshadowed by painters like Basquiat.
Macreau gave birth to over 2,400 paintings and drawings, primitive and lavish compositions inspired by his “Plan de paix”, written in the form of four genuine and utopian manifestos. Often associated with raw art, Macreau is original in the manner of medieval Catalan mysticism. His flashes of intuition, instinctual and imaginative art, relentlessly depict a global society in which kings and queens rub shoulders with popes, missionaries, apostles, politicians, workers, and businessmen in contrasted palettes of colors with a visceral undertone.
Michel Macreau was born in Paris, on July 21, 1935. Only son, his mother traded fur and his father worked as a driver and was always away. Moved from one family to another, his childhood is hectic, and his adolescence a long drift. One day, in a library, two art books catch his attention, one on Matisse and the other on Picasso. Having little money, Michel Macreau buys only Matisse. That is when he decides to become a painter.
Enrolled in the artistic section of the Lycée de Sèvres in 1953, he works on tapestry cartoons by Le Corbusier under the supervision of Pierre Baudouin. He later attends the Academie de la Grande Chaumière, as well as a class given by fresco painter Lesbounit, in Montparnasse. He marries sculptor Claudie Pessey, with whom he has three children, Violaine, Ludovic, and Alice.
In 1959, with some of his classmates, Macreau starts squatting the abandoned Chateau of La Barrerie, in Villiers-le-Bacles, in the Valley of Chevreuse, and has his first group show in its garden.
In 1960, he meets Raymond Cordier and Ceres Franco. The latter presents his work at the Art Biennale of Sao Paolo in 1963.
In 1962, his first solo exhibition at the Galerie Raymond Cordier is a big success. Two of his paintings are acquired by Georges Pompidou and later exhibited at the Fort de Briançon during the presidency of the latter.
In 1964, Macreau moves in an old remote and decrepit house near Bourges with his wife, where the artist can focus on his painting. Exhibitions pile up and the artist’s fame grows throughout France and abroad (Paris, Rio de Janeiro, Spain, Netherland…). His talent then appeals to a lot of collectors.
From 1972 to 1979, Macreau doubts his artistic approach and produces little. He goes through a severe depression.
Separated in 1975, he makes long and repeated stays at the hospital up until 1981.
Around 1979, Macreau slowly comes back to life and creation.
Back to his house in the Berry in 1983, he is thrilled to live in the countryside again, which greatly inspires his pictorial language and contributes to his fulfillment. It is the beginning of a new euphoric era. Success is back, and Macreau is more productive than ever, enjoying numerous solo and group shows, up until his death, in 1995, at the age of 60.
“Frightened skeletons, all-powerful mothers and bloody angels under intriguing red crosses, in a profusion, in painting or drawing, of breasts, bones, and cords… Here is Michel Macreau, the outsider…”
His paintings speak for themselves: scattered Picassian women with taunting eyes, mothers giving birth in pain and couples which only the lower arm connects – as an echo to lovers crying like broken music boxes… Macreau’s bodies are skinless; like fragmented protagonists from Dickens, a direct extension of the sensitive world, they are constantly evolving (flying, or rather falling) between the hell under our feet (cf. C’est loin d’ici, 1963) and a barely more rejoicing heaven, filled with tentacular virgins, wounded angles and dehumanized Mary Magdalene.
A major artist of the 90s, Basquiat presented the work of Michel Macreau at Galerie Prazan Fitoussi in an exhibition entitled “Vingt-ans après”. Now fallen into oblivion, the beautiful exhibition held in his tribute at the Halle Saint-Pierre went nearly unnoticed. However, with his childish portraits wandering in squeaking cemeteries, his spontaneity, and his way of showing painting in the making through automatic writing, Michel Macreau is undoubtedly one of the pioneers of Free Figuration (as well as of graffiti).
Dismissing the establishment one last time, he chose the graveyard of fallen angels and the “raw art” label over the shines of his peers, or Ben signatures on schoolkids’ diaries. Like a vagabond, Michel Macreau left the stage quietly, but not before carefully disseminated his ideas.